"Le jour de la déportation, les enfants étaient réveillés à cinq du matin et on les habillait dans la demi-obscurité. Il faisait souvent frais à cinq heures du matin, mais presque tous les enfants descendaient dans la cour très légèrement vêtus. Réveillés brusquement dans la nuit, morts de sommeil, les petits commençaient à pleurer et petit à petit les autres les imitaient. Il arrivait parfois que toute une chambrée de cent enfants, comme prise de panique et d'affolement invincibles, n'écoutaient plus les paroles d'apaisement des grandes personnes, incapables de les faire descendre; alors on appelait les gendarmes qui descendaient sur leurs bras les enfants en hurlant de terreur.
          Dans la cour, ils attendaient leur tour d'être appelés, souvent en répondant mal à l'appel de leur nom. Les aînés tenaient à la main les petits et ne lâchaient pas. Dans chaque convoi il y avait un certain nombre d'enfants qu'on ajoutait pour terminer; c'étaient ceux dont les noms étaient inconnus. Ces derniers étaient marqués sur la liste par des points d'interrogation. Cela n'avait pas beaucoup d'importance: il est douteux que des malheureux bambins ait pu supporter le voyage et les survivants étaient sans doute détruits dès leur arrivée.
          Ainsi, il a été déporté de Drancy en deux semaines quatre mille enfants sans parents. Cela se passait dans la seconde moitié du mois d'août 1942."
                                                                                                 .anonyme.

retour